Lek & Sowat

Posted: February 20th, 2013 | Author: | Filed under: interviews | Tags: , , , , | No Comments »

Lek et Sowat sont deux protagonistes du projet Mausolée, qui a consisté à s’immerger pendant près d’un an dans un supermarché abandonné au Nord de Paris pour peindre les 40 000 m2 de surface murale. Ils se sont entourés d’une quarantaine de graffeurs français, invités à participer à cette résidence artistique inhabituelle. Un film en stop motion et un catalogue retranscrivent l’expérience. Dans le graffiti, c’est avant tout l’image qui atteste de l’œuvre réalisée, d’où la nécessité de documenter tout ce qui est produit.
Il y a quelques mois, le Palais de Tokyo leur a proposé d’investir une cage d’escalier, ancienne sortie de secours n’étant plus exploitée.

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Dans les entrailles du Palais secret, Palais de Tokyo, 2012. Photo : Thias

Le collectif dont vous êtes membres se nomme Da mental Vaporz. Comment s’est opéré le choix du nom et qu’elle en est la signification ?

Sowat : Je suis le seul des deux à être DMV. Lek n’a malheureusement pas cette chance… Le collectif est né il y a 10 ans en banlieue parisienne, c’est Bom.k et Iso qui l’ont monté. Ensuite ils ont été rejoints par Kan puis tous les autres – Dran, Brusk, Jaw, Gris1, Blo et moi. C’est Bom.k qui a trouvé le nom, il voulait quelque chose qui sonne américain. Ça se faisait beaucoup à l’époque et pour lui, ça signifiait “les vapeurs mentales…” Dans le hip-hop des années 80, “da” est la contraction de “the”. Pour moi qui parle anglais, je trouve que le mot est un peu kitsch, mais bon c’est Bom.k le chef…

Comment se sont passés vos débuts et votre découverte du graffiti?

Lek : J’habitais dans le 19e, près de Stalingrad. Dans les années 80 c’était un terrain assez mythique : des mecs venaient de toute l’Europe pour y peindre et c’était juste à côté de chez moi.

Sowat : Tu dessinais avant ?

Lek : Oui je dessinais déjà. En tout cas, cet endroit a joué un rôle significatif puisque je peins encore aujourd’hui.

Sowat : Moi j’étais à Marseille, dans un environnement beaucoup plus provincial. J’habitais à côté du boulevard de la Corderie où il y avait un lettrage vert de Tower 313 qui m’a vraiment tapé dans l’œil. J’ai commencé à en faire sur papier. Puis un soir je suis allé en faire un sur un mur à côté de l’école et j’ai ressenti une vraie décharge d’adrénaline en le faisant. Je me suis mis à dessiner, à faire des esquisses etc. Mais en tout cas, c’était plus lié à la sensation qu’à l’esthétique.

Quels sont les artistes qui vous ont inspiré ?

Sowat : Lek car j’étais fan de son travail avant de le rencontrer. Il y a une partie du graffiti qui était très traditionnelle, basée sur un lettrage simple, lisible avec du chrome, du noir, des couleurs flashs et des personnages de BD. Cette façon de faire ne m’a jamais vraiment plu. Par contre, il y avait aussi un pan du graffiti qui était beaucoup plus expérimental, abstrait, avec des gens comme Lokiss ou les BBC.
Une partie de ma famille est américaine, donc j’ai passé pas mal de temps en Californie. A Los Angeles, il y a une culture qui s’appelle la culture cholo, une culture Mexicaine qui est très présente et dans laquelle j’ai baigné. A 20 ans, j’ai découvert le travail de Chaz Bojorquez, qui a développé une écriture spécifique au sein du cholo. Le travail du calligraphe Hassan Massoudi m’a également marqué. Il est connu de beaucoup de graffeurs français de la fin des années 90.

Lek : Les graffeurs que Sowat a cité m’ont aussi influencé. J’avais envie d’aller aussi vers des choses plus expérimentales. Certains graffeurs américains m’ont marqué ensuite. Un livre comme Spraycan Art, dans lequel j’ai découvert Kase 2, a eu beaucoup d’importance. Kase 2 avait la particularité de déconstruire les lettres pour en faire quelque chose de moins lisible. Il avait créé son propre style et j’ai eu envie de faire pareil.

Sowat : Il y a deux livres qui sont sortis il y a 20 ans, Spraycan Art et Subway Art, qui ont évangélisé la planète entière. Lorsqu’on était jeunes, on voyait du graffiti dans les séries américaines, en fond mais il n’y avait pas d’accès à l’information. Il n’y avait pas Internet etc. Ces livres nous ont permis d’avoir accès à cette culture car on essayait de refaire les lettrages dans un premier temps, avant de faire nos propres trucs. En France, un livre comme Paris Tonkar a pu avoir un impact assez similaire. Il ne faut pas oublier qu’il n’existe pas d’école où on peut faire l’apprentissage du graffiti, qu’il n’y a pas vraiment de professeurs, mis à part nos pairs…

Vous avez récemment collaboré avec John Giorno au Palais de Tokyo. Est-ce un artiste dont vous aviez entendu parler auparavant ?

Sowat : On avait entendu parler du film dans lequel Warhol filme quelqu’un en train de dormir pendant des heures. On ne savait pas que le dormeur était un poète célèbre. J’ai fait des recherches sur lui avant qu’on le rencontre. C’est à ce moment-là qu’on a découvert son “palmarès”, qui est assez intimidant.

Lek : On ne connaissait pas le reste de son travail, qui est très différent du nôtre et c’était une bonne chose.

Sowat : Giorno nous a accueillis à bras ouverts, nous a traités d’égal à égal.

3 - Lek Sowat et John Giorno - Photo par Thias

John Giorno, Lek et Sowat, Palais de Tokyo, 2012. Photo : Thias

En 2010, vous avez trouvé un supermarché abandonné dans le Nord de Paris. Vous avez travaillé dans ce lieu pendant un an, en invitant d’autres graffeurs à investir l’endroit, voué à disparaître. Ce projet a d’ailleurs donné son nom au site Internet : le mausolée. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Sowat : Avant de parler du mausolée, il faut préciser que Lek et moi, comme beaucoup d’artistes autour de nous, aimons investir des lieux abandonnés. Ce qui est assez antinomique avec l’idée du graffiti. Car le graffiti tel que les gens le pratiquent en général, c’est de peindre son nom dans l’espace public pour qu’il soit visible par le plus grand nombre. Mais des gens comme Honet, Legz ou Lek ont commencé à peindre dans ces endroits reculés, où il n’y a pas de public, pas de passage et à en ramener des images.

Lek : Je suis toujours à l’affût et si je vois que des palissades ou des parpaings commencent à être montés, je me renseigne. J’ai trouvé l’endroit pendant l’été 2010, dans le Nord de Paris, à un moment où l’espace était saturé dans Paris intramuros. Je ne travaillais pas très loin, j’étais en voiture en permanence et j’avais vu que ça avait été squatté. Je connaissais bien le supermarché pour y être allé lorsque j’étais plus jeune car j’habitais à proximité. Beaucoup de graffeurs connaissaient déjà le coin parce qu’on pouvait y peindre des trains à un moment donné. Bref, j’étais très curieux, même si le quartier est assez sordide aujourd’hui, avec pas mal de toxicomanes ou de prostituées.

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Sowat, Lek. Mausolée, 2010-2011. Photo : Thias

L’endroit était censé être détruit ?

Sowat : On n’a jamais vraiment trop cherché à savoir. Sur Internet, on a vu qu’il était question d’un vaste projet immobilier pour en faire un hôtel 3 étoiles notamment. Assez étonnant vu qu’il s’agit quand même d’un quartier assez glauque.
Le bâtiment est immense, avec deux piliers du périphérique qui sont plantés dans la structure. On s’est dit que ça devait certainement coûter trop cher de détruire l’ensemble pour reconstruire.

J’imagine qu’il y avait des traces des occupants qui vous ont précédé.

Sowat : Lorsque Lek m’a proposé de venir peindre dans cet endroit, on a découvert qu’il n’y avait eu aucune peinture à l’intérieur : seul le parvis avait été peint.
On a vite réalisé que ceux qui l’avaient squatté avaient dû partir du jour au lendemain, ils ont du se faire virer. Il y avait du café dans les tasses, de la nourriture, des assiettes sales posées, des tas de lits posés, des jouets… C’était assez fascinant, même si ça nous a mis mal à l’aise. On aurait dit qu’on débarquait dans cet endroit après un conflit post-apocalyptique. C’était peu de temps après le discours de Grenoble de Sarkozy qui disait vouloir démanteler les camps de Roms. On n’a pas pu s’empêcher de faire le rapprochement, même si on a découvert plus tard que les squatteurs étaient partis avant.

Lek : Très vite, on s’est dit qu’on allait garder tout ça pour nous. Un terrain peut vite être saccagé si trop de gens apprennent qu’il est libre. Le bouche à oreille fonctionne très bien dans ces cas-là. On ne voulait pas que d’autres graffeurs le trouvent, ou même des photographes; ce qui aurait été pire car les photos auraient circulé sur Internet. Comme l’accès était vraiment sale et difficile, on s’est dit qu’on était protégés par cette barrière de poubelles, qu’on pouvait organiser quelque chose. Petit à petit, on a commencé à inviter des graffeurs, de la première à la dernière génération du mouvement, des gens comme Jayone, Oclock, Dem189, Wxyz, lad Ghettos Farceurs et beaucoup d’autres, pour qu’ils viennent peindre avec nous, en leur demandant de garder le lieu et le projet secret.

Qu’est-ce-qui a conditionné ce nom : mausolée ?

Sowat : C’est venu au fur et à mesure. Au début, on l’appelait “le lieu”. Et plus on y passait du temps – on y est allé quasiment tous les jours pendant un an quand même – plus ça nous imprégnait. On a commencé à faire des peintures qui peuvent évoquer des peintures religieuses. Au bout d’un moment on l’a appelé “le temple”.

Sowat - Photo Yann Skyronka

Sowat. Mausolée, 2010-2011. Photo : Yann Skyronka

Lek : C’est surtout le parking du supermarché qui nous a permis de trouver le nom de mausolée. Un partie avait brulé dans un incendie, le plafond et le sol était noirs, couverts de suie. Il y avait des plaques au sol et certaines étaient relevées, comme des plaques de tombeau. Et puis, on utilisait des torches car il n’y avait pas de lumière et donc deux niveaux plongés dans le noir. Ça crée une ambiance particulière.

Sowat : Quand on s’est posé la question du nom, le projet existait déjà. L’idée du projet c’était de se dire qu’on était issus d’une culture en train de disparaitre, que personne d’autre ne semble comprendre ou apprécier. Personne n’étudie le sujet que je sache : il n’y a pas de critiques d’art qui se soient sérieusement intéressés au mouvement, ni de commissaires d’expo qui connaissent intimement le sujet. Sous prétexte d’être des Vandales, c’est toute cette culture, avec ses pionniers, ses archives, ses outils et son langage, qui a été sortie de l’histoire de l’art. Nous sommes les produits de 30 ans de barbarisme, tout ce qu’on a aimé a disparu, effacé par les pouvoirs publics. Ça n’a pas disparu parce que c’est moche, mais parce que le lien avec le public ne s’est jamais fait.
Quand la déferlante du street art est arrivée, ça n’a pas arrangé les choses. Tout à coup, tout le monde se disait “le street art c’est bien, c’est joli“. Par contre avec le graffiti, tu fais chier la terre entière. Nous, on s’est dit que c’était surtout une question de transmission. Si on explique ce qu’on fait le plus justement possible, si on fait un film qui retranscrit ce que ça fait de peindre où on peint et si on trouve un titre qui n’a rien à voir avec le graffiti, les gens feront peut-être attention à ce qu’on fait.
On a mis la définition de mausolée au début du catalogue (NDLR : Mausolée, Résidence artistique sauvage aux Editions Alternatives, avril 2012). Ca retranscrit bien l’expérience qu’on a vécue.

Une partie de votre travail implique d’investir des espaces en friche, par le graffiti et l’installation. Le cas du Palais de Tokyo est particulièrement frappant.
Comment avez-vous travaillé pour ce projet assez spécifique, puisqu’il s’agit d’une cage d’escalier ?

Sowat : Jean de Loisy (NDLR : Président du Palais de Tokyo), conseillé par Hugo Vitrani, nous a fait confiance. Il nous a d’abord invités pour collaborer avec John Giorno. Dès le début, c’était implicite : si ça se passait bien pour Giorno, il nous donnait un endroit. On a eu le choix entre une pièce plus petite et la cage d’escalier. On a choisi la cage car on savait déjà qu’on ferait quelque chose de collectif. En caricaturant un peu, on s’est tout de suite dit qu’on allait en profiter pour faire venir des gens qui auraient dû être invités depuis longtemps au Palais de Tokyo, comme Azyle, Bom.k, Horphée, Baps, Risot, Alexöne et d’autres…

Lek : L’intérêt de la cage d’escalier, c’était d’avoir des supports différents, avec de la brique entre autre, une bonne hauteur sous plafond, un sol rythmé avec des formes éclatées. Il était possible de jouer avec l’architecture du lieu, de s’appuyer sur les lignes de forces du bâtiment pour créer quelque chose d’immersif, qu’il y en ait partout, sur les murs, le sol et le plafond. Ca offrait plus de possibilités que le couloir d’à côté.

Wxyz - Sambre - Dem189 - Lek - L'outsider - Katre - Horfee - Velvet - Zoer - Rizot

Wxyz, Sambre, Dem 189, Lek, L’outsider, Katre, Horfee, Velvet, Zoer et Rizot. Palais de Tokyo, 2012.

Photo : Nibor Reiluos

Sowat : On n’a pas remarqué la porte qui nous séparait du reste du Palais tout de suite. Quand on l’a vue, on l’a mal pris, comme certains de nos invités. Tout le monde s’est un peu dit “OK, on a beau être au Palais de Tokyo, on est encore derrière la porte“. Mais on a très vite réalisé que cette porte qui nous isolait était une bonne chose. On a été libre d’inviter qui on voulait. Et cet isolement garantissait aux graffeurs qu’on avait invités de pouvoir faire ce qu’ils voulaient, loin du public et surtout de ramener le matériel qu’ils voulaient. Puisque le Palais prend publiquement la défense d’artistes comme les Pussy Riot ou le poète dissident Chinois Liao Yiwu, on s’est dit qu’il serait intéressant de faire croire que le Palais prenait une position similaire vis à vis de gens comment Azyle ou Cokney, qui risquent plusieurs centaines de milliers d’euros d’amende, voire de la prison ferme en cas de récidive, pour avoir peint des trains.

Lek: Après, pour présenter l’étendue de notre culture, on voulait confronter leur travail qui est assez violent, plein de chimie, à celui de gens comme Dran, qui a un travail plus enfantin et fragile, qui se rapproche plus des graffitis des cages d’escaliers que des dépôts de trains. L’idée c’était de mettre ces différentes pratiques et sensibilités dans une même zone et de voir ce qu’il se passe. C’est comme cela qu’avec l’aide de Dem189 et Hugo Vitrani, on s’est retrouvé à faire venir 40 graffeurs français au Palais en moins de 6 semaines.

Ça aurait pu devenir anarchique… Pourtant il y a une grande cohésion. On n’a pas l’impression qu’autant de personnes aient travaillé dans le même endroit.

Lek : On avait confiance. L’idée c’était que les invités viennent peindre une première fois puis qu’on les parasite de nos formes graphiques avec Dem189 puisqu’ils reviennent peindre par-dessus nos formes et ainsi de suite. Le résultat final donne la cohérence.

Quel a été votre graff le plus dangereux ?

Sowat : C’était pas un graff, c’était la photo du graff le lendemain. Il y a quelques années, j’ai passé 15 jours dans les favelas à Sao Paulo avec Remy Uno. Au Brésil, les graffeurs ont un style très particulier qui s’appelle Pixasao, rien à voir avec l’influence du graffiti fait à New York dans les années 70. Un soir, j’écris le nom de mes potes sur des murs couverts de ce style particulier et le lendemain, j’y retourne pour faire des photos. Ce n’était pas le quartier dans lequel je vivais, j’étais seul et je me fais braquer mon appareil photo. La photo dans le graffiti, c’est capital car ça atteste ce qu’on a fait. Si on n’a pas de photo, c’est comme si on avait rien fait. Donc, lorsque j’explique à mes potes de la favela que je me suis fait braquer mon appareil photo, ils sont furieux que je me sois fait voler alors que je suis leur invité et me proposent une escorte pour y retourner pour que je puisse reprendre des photos avec un autre appareil. La police nous est alors tombée dessus pour un contrôle “de routine” ultra violent. Je me suis retrouvé plaqué contre un mur par un flic complètement malade, qui me hurle dessus en portugais que je ne comprends pas, son flingue collé contre ma tempe.

Lek : Quand j’étais plus jeune, je peignais souvent sur les voies ferrées, celles de la Gare de l’Est. J’étais avec des potes pour peindre un mur qui était sur le bord des voies. Lorsqu’on s’est placés de l’autre côté de la voie pour voir la peinture avec une vue d’ensemble, un train est passé et l’un de mes potes a cru que je m’étais fait écraser par le train. C’est la seule grosse frayeur que j’ai eue.

Quelle est la meilleure ville pour peindre ?

Sowat : Valparaiso au Chili et Marseille.

Lek : Paris.

Si l’on devait comparer la vision du graff en France et celle que vous avez pu constater dans d’autres pays, quelles conclusions en tireriez-vous ?

Sowat : La France est un pays conservateur, en pleine muséification, ce qui est assez antinomique avec ce que l’on fait. Rien à voir avec l’Amérique du Sud par exemple où le muralisme est rentré dans les mœurs il y a longtemps. Aux Etats-Unis, qu’on a évoqués pendant l’interview, même si les lois sont beaucoup plus sévères qu’ici, au moins ils savent faire la promotion de leurs artistes. L’exposition Art in the Streets, un projet assez colossal que Jeffrey Deitch a organisé au MoCA de Los Angeles il y a deux ans, a rassemblé 240 000 visiteurs je crois. C’est une première et un énorme succès populaire. Et je ne parle même pas d’Obama choisissant Shepard Fairey pour réaliser l’image de sa première campagne. En France, même s’il y a des initiatives ponctuelles intéressantes, on est encore loin de tout ça. De toute manière, comme pour beaucoup d’autres domaines, tout ce qui vient d’ailleurs nous semble plus intéressant que ce qui est fait ici. On a été incapables de soutenir la scène locale par exemple. Les collectionneurs préfèrent acheter des toiles de la old school américaine, même si elle n’intéresse plus grand monde, plutôt que de soutenir des graffeurs historiques de la scène française. Ça crée des cotes artificielles. De la même manière, les institutions françaises n’ont jamais consacré une seule vraie exposition rétrospective du graffiti hexagonal. Il y a bien eu une expo ambitieuse et de qualité à la Fondation Cartier il y a quelques années, Né dans la rue. Il y avait des moyens mais ils n’ont pas traité du graffiti français : le graffiti new yorkais des années 70 est beaucoup plus exotique.

Lek : Alors que ça fait plus de 30 ans que des artistes pratiquent le graffiti en France, à chaque fois qu’il se passe quelque chose, c’est à peu près le même schéma. Vu qu’il n’y a pas d’experts, c’est un commissaire d’expo qui ne connait rien au sujet qui est chargé de monter quelque chose autour du “Graffiti” ou plus récemment du “Street Art”. Comme c’est plus simple et économique à organiser, il va décider de montrer avant tout des toiles, alors qu’on ne peut pas vraiment dire que ça reflète la spécificité de notre pratique. Il s’entoure alors de “conseillers”, souvent des galeries ou des collectionneurs, qui ont un intérêt à mettre en avant telle pièce ou tel artiste. En moins de deux, notre culture en est réduite à sa caricature, à une esthétique un peu kitsch, de préférence proche de celle qu’on voyait sur les métros new yorkais il y a 40 ans de ça. Et c’est pour ça qu’on s’est enfermés pendant un an dans le centre commercial. On voulait prouver que ce qu’on faisait avait un sens. Depuis nos premiers tags, on s’obstine à chercher des nouvelles formes graphiques ou à se questionner sur d’autres supports. On espère avoir d’autres opportunités comme celle du Palais de Tokyo.

http://mausolee.net/

Sowat - Lek - Mausolee

Sowat. Lek. Mausolée, 2010-2011. Photo : Thias