Felix Schramm

Posted: June 1st, 2009 | Author: | Filed under: interviews | Tags: , , | No Comments »

Felix Schramm utilise des morceaux de mur, de la peinture, des châssis, et du bois pour réaliser ses installations sur site spécifique. Il crée l’illusion d’une architecture accidentée, en montrant ce qui semble être la conséquence d’un accident qui serait arrivé à l’intérieur de l’espace d’exposition. Schramm travaillant de façon très méthodique, la réalisation des sculptures est toujours précédée d’un long travail d’observation du site. De manière générale, les titres de ses œuvres font écho à ce qui aurait pu se passer : la collision avec Collider (2007), ou la corrosion, avec Soft Corrosion (2006). Schramm propose un point de vue différent, une alternative à l’appréhension de l’espace. La perception de son travail varie selon l’endroit ; sa réception à San Francisco (où les tremblements de terre sont fréquents) ne sera probablement pas la même qu’à Paris. Son travail peut être considéré comme une tentative de pénétration du white cube, coûte que coûte, afin d’en bouleverser l’ordre établi. (Le white cube est un espace aux murs blancs prétendu neutre, utilisé depuis l’après-guerre comme référence pour les galeries d’art ou les musées).

Pour l’exposition “Spy Numbers”, qui se tient au Palais de Tokyo du 28 mai au 30 août 2009, il présente une installation monumentale située à la fin du parcours. Omission est une sculpture réalisée à partir de matériaux de construction tels que le plâtre, le bois et la peinture.
La plupart du temps, les limites entre l’intervention de l’artiste et l’architecture du bâtiment sont difficiles à discerner. Son travail crée une tension; en effet, les formes structurelles des murs, des plafonds ou des sols sont tordues, voire éclatées, laissant la prédominance aux angles qui jaillissent littéralement. La perception de la sculpture n’est jamais la même, au fur et à mesure que l’on se déplace, les arêtes des angles se modifiant avec le regard.
Schramm propose au visiteur de faire l’expérience physique de la tension en le confrontant à une pièce exprimant à la fois la fragilité et la menace, l’ordre et la déstructuration, la construction et la déconstruction. La sculpture apparaît comme une menace potentielle, pouvant éventuellement à tout moment s’effondrer sur le visiteur. C’est l’espace d’exposition dans son ensemble qui est remis en cause, s’agit-il toujours d’un lieu parfaitement sûr pour contempler l’œuvre d’art ?

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vue de l’exposition au SFMOMA, 2007. Courtesy de l’artiste

INTERVIEW
Adeline Wessang : Nous allons parler dans un premier temps de votre parcours. Vous avez étudié aux Beaux-Arts de Düsseldorf. Quelle était votre spécialisation ? Etait-ce la sculpture ?

Felix Schramm : Aux Beaux-Arts, j’ai principalement suivi des cours de peinture. Les étudiants expérimentaient des techniques différentes. La plupart de mes professeurs étaient peintres ou typographes, ce n’était donc pas une classe spécialisée dans l’enseignement de la sculpture. Je ne sais d’ailleurs pas si c’était une bonne chose !

AW : L’école de photographie de Düsseldorf a-t-elle joué un rôle dans votre formation ?

FS : Je ne pense pas que l’école de photographie de Düsseldorf ait directement joué un rôle. Bien sûr, elle a instauré des nouvelles techniques et une qualité qui ont permis de considérer les choses sous un angle différent, et également dans la façon de documenter son propre travail. Mais je pense que son influence s’arrête là.

AW : En quoi l’enseignement de Jannis Kounellis a-t-il influencé votre travail ? Je pense à cette citation de Kounellis : “Ce n’est pas des matières que je pars, c’est de l’espace. Depuis que les artistes sont sortis du tableau, c’est l’espace lui-même qui est le cadre, qui est la matière.”

FS : L’espace en lui-même est toujours important lorsque vous faîtes de la sculpture. Selon moi la sculpture autonome n’existe pas. Kounellis a évoqué ce sujet, mais du point de vue du peintre, car il se définit lui-même comme un peintre. Son avis concerne l’affranchissement du peintre vis-à-vis du tableau.

AW : Avez-vous vécu une expérience, artistique ou non, qui vous aurait marqué ? Ou qui serait en tout cas fondatrice de votre travail ?

FS : Pour moi, il a toujours été très important de savoir que les moments les plus intéressants se produisent lorsque l’on ne s’y attend pas. Donc si l’on a une idée précise, on essaie de la réaliser au moyen de différentes techniques, mais c’est toujours la partie la plus ennuyeuse. Les choses se produisent par accident. Un des moments les plus étonnants pour moi s’est produit alors que je commençais à travailler à construire des morceaux de sculpture in situ. Je les ai arrachés et je ne m’attendais pas à ce résultat, cela m’a paru plus intéressant que les choses que j’avais expérimentées auparavant.

AW : Comment en êtes-vous venu à réaliser ces sculptures ?

FS : C’est également arrivé par accident. J’étais en train de construire une sculpture que j’ai commencé à démolir avec l’aide d’un ami en utilisant des masses en bois. Le lendemain matin, je voulais continuer à en arracher des morceaux, c’était étonnant de voir le résultat concret dans la salle. A partir de ce moment là, j’ai reconsidéré tout mon travail.

AW : Pouvez-vous nous parler du processus de création d’une sculpture et des matériaux utilisés ?

FS : Je commence toujours de la même manière : dans un premier temps, je regarde l’espace où je pourrais construire une sculpture. Ensuite je travaille avec des maquettes à petite échelle. C’est une étape très importante car lorsque l’on travaille avec des petites maquettes, on peut expérimenter des choses que l’on ne peut pas concrétiser à grande échelle, de manière plus extravagante. On peut transformer, déplacer, séparer plus facilement. C’est un moment spécifique où l’on peut travailler avec la notion de hasard. Sculpture et hasard sont effectivement assez contradictoires si l’on travaille à grande échelle. Mais à petite échelle, on peut faire de nombreuses tentatives, des incidents peuvent survenir mais on peut en tirer parti facilement, sans se préoccuper de la gravitation ou des matériaux. Oui, c’est plus facile. Voilà pour le début. Ensuite on passe à grande échelle sur place car la maquette est seulement présente au départ. Je ne sais jamais dans quelle mesure la pièce va être modifiée pendant la réalisation.
En ce qui concerne les matériaux, j’utilise des structures qui peuvent supporter des plaques de plâtre ou dans ce cas précis du bois ou du métal. Je préfère la plaque de plâtre comme matériau principal car elle a une qualité architectonique je suppose. Lorsque l’on en casse une, elle reste en place, elle ne ressemble pas à une brique cassée. C’est aussi un matériau qui permet de jouer avec les ombres. J’utilise également beaucoup de couleurs, j’y toujours attaché beaucoup d’importance car elles permettent de transmettre des informations.

AW : Avez-vous choisi l’endroit dans lequel vous exposez ? Ou est-ce Marc-Olivier Wahler (directeur du Palais de Tokyo) qui vous a proposé cet endroit précis, au fond de la salle ?

FS : Oui, Marc-Olivier m’a proposé dès le départ d’exposer tout au fond de la verrière. Entre temps nous avions pensé à différents endroits possibles mais en fin de compte, nous sommes revenus au premier choix.

AW : Comment définiriez-vous le rapport entre votre travail et l’espace d’exposition ?

FS : Il y a toujours un rapport direct ou indirect à l’espace, il s’agit de tirer parti des possibilités offertes par l’espace, ses proportions et la lumière.

AW : Pouvez-vous nous parler de la pièce réalisée pour Spy Numbers ?

FS : Comme nous avions décidé de réaliser cette œuvre à la fin de la salle d’exposition, c’était particulièrement intéressant de tirer parti de la courbe qui se trouve juste avant. C’était pertinent d’essayer d’imaginer comment la prolonger, sans pour autant en conserver le même angle. Essayer de transférer la dynamique de l’espace dans la sculpture, afin que le spectateur se rende compte que cette courbe ne fait pas partie de l’architecture du bâtiment mais qu’elle résulte plutôt des forces qui s’échappent de la sculpture. C’était intéressant pour moi de créer une certaine tension dans l’espace, instaurer un espace effrayant. A une certaine distance, on a une vue d’ensemble et si l’on s’en approche, on ressent un impact physique.

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Omission, 2009, vue de l’exposition Spy Numbers au Palais de Tokyo, image de l’auteur

Né en 1970.
De 1991 à 1993, il étudie à l’Académie des Beaux-Arts de Florence. Il poursuit son cursus sous la direction de Jannis Kounellis à l’Ecole des Beaux-Arts de Düsseldorf de 1993 à 1997. Obtient ensuite différentes bourses d’étude, qui lui permettent d’effectuer de nombreuses résidences d’artiste en Allemagne et en Italie. 2006 est l’année où il obtient le prestigieux prix Piepenbrock, qui récompense un artiste de la scène allemande contemporaine pour ses sculptures.
Vit et travaille à Düsseldorf.


Arcangelo Sassolino

Posted: December 5th, 2008 | Author: | Filed under: art sur canapé: exhibition reviews | Tags: , | No Comments »

Né en 1967 à Vicenza, Italie où il vit et travaille.

Il a d’abord étudié l’ingénierie mécanique, ce qui lui permet de concevoir des micro-composants de jouets pour Nextoy-Asahi, une filiale new-yorkaise de Casio au début des années 90. Il a notamment participé au développement des jeux comme Rhino Rush ou Turbo Shot. Quelques années plus tard, il fréquente la fameuse School of Visual Art de New York.
Il retourne en Italie en 1996, pour s’établir à Vicenza et démarrer une carrière artistique en collaboration avec la galerie Grossetti de Milan où se tiennent trois expositions personnelles.

Il a la particularité d’employer des matériaux industriels comme le ciment et l’acier avec lesquels il réalise des sculptures et des projets architecturaux réalisés spécifiquement pour un espace donné. Les travaux de l’artiste sont la plupart du temps conçus en totale symbiose avec l’espace qui les contient. Les mots qui viennent à l’esprit sont le poids, la tension et la forme dans l’espace. Son approche de la sculpture n’est pas sans rappeler celle des Minimalistes, pourtant dans le cas de Sassolino, c’est davantage son passé d’ingénieur qui l’incite à concevoir de telles formes.
Ses travaux explorent les comportements mécaniques et les propriétés physiques de la force. Chaque pièce requiert beaucoup de travail minutieux, de longues recherches, et le résultat est époustouflant : la densité des matériaux et la précision mécanique entrent en discussion avec les différentes forces appliquées à l’objet. Une particularité récurrente : ces objets ne sont pas fonctionnels, ils fonctionnent

Du 14 Septembre au 18 Novembre 2007 s’est tenue au FRAC Champagne-Ardenne l’exposition What You See is What You Guess / WYSIWYG sous le commissariat de la critique d’art italienne Alessandra Pace. Les œuvres présentées questionnent la notion d’intuition : jusqu’où la perception informe-t-elle la conscience ? Le titre de l’exposition est, bien entendu, un écho à la locution What you see is what you get signifiant ce que vous voyez est ce que vous obtenez.
La pièce de Sassolino n’a pas de titre (Untitled, 2006) mais elle est très vite rebaptisée l’Araignée ou le Crabe par les visiteurs. Il s’agit en effet de six pinces hydrauliques de couleur noire assemblées entre elles. La machine se déplace de manière aléatoire au moyen de celles-ci, les faisant par la même occasion crisser sur le sol, provoquant un son étrange et inquiétant. Les lames d’acier jouent le rôle de leviers, permettant le déplacement mais laissant des marques, exécutant alors un dessin aléatoire sur le sol.

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Untitled, 2006, Courtesy de la Galerie Nicola von Senger, Zürich

Il y a une certaine violence dans l’interaction de la machine avec son environnement, car elle entraîne de façon irrémédiable l’altération de la surface. De temps à autre, lorsque les pattes sont complètement repliées, elle vacille et semble être sur le point de basculer.
La machine, croisement du vivant et de la mécanique, semble dotée d’une âme. Le visiteur, quant à lui, se trouve à la fois amusé et pris d’effroi face à cet étrange objet menaçant.

Dans le cadre de l’exposition Superdome, qui se tient au Palais de Tokyo du 29 Mai au 24 Août 2008, Arcangelo Sassolino présente Afasia 1. Il s’agit d’une sculpture conçue pour projeter des bouteilles de bière à plus de 600km/h au moyen d’air comprimé. Les morceaux de verre s’accumulent au fur et à mesure que le temps de l’exposition passe pour former un amoncellement de débris.

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Afasia 1, vue de l’exposition “Superdome”, Courtesy du Palais de Tokyo, 2008

Photographie de Didier Barroso

La pièce se compose d’un bloc contenant 16 bouteilles d’azote de 50 litres chacune, empilées les unes sur les autres par rangée de quatre. L’azote se classe dans la catégorie des gaz inertes, c’est-à-dire présentant très peu de caractéristiques réactives du fait de leur couche externe saturée en électrons. Il est par ailleurs neutre et non-inflammable et constitue majoritairement l’atmosphère terrestre (78% de l’air).
Ces bouteilles d’azote sont la source d’énergie pour la pièce, couplées avec des batteries.
Là encore, le visiteur se trouve confronté à une menace potentielle : la machine elle-même.
“Mes sculptures sont les émetteurs d’un temps physiquement comprimé, d’une mémoire permanente, d’un équilibre dangereux. Je ne veux pas créer des images mais un état des choses tendu, que j’essaie de construire grâce à la pression, au poids, au son produit par le frottement de masses.”

Expositions personnelles (sélection)
2007 Galerie Nicola von Senger, Zürich
2006 Momento, Galerie Galica, Milan
2004 Rimozione, Galerie Arte Ricambi, Vérone
2001 Concrete Matters, Galerie Grossetti, Milan

Expositions collectives (sélection)
2007 What You See is What You Guess / WYSIWYG, Frac Champagne-Ardenne, Reims
2007 …e ricomincio da tre, Studio La Città, Vérone
2006 Progetti per C4, C4 (Regione Veneto / Guggenheim), cur. Luca Massimo Barbero et Elena Ciresola
2006 Faster / Bigger / Better, ZKM, Karlsruhe
2005 Constellations, Artissima, Turin


Ron Mueck

Posted: December 5th, 2008 | Author: | Filed under: no blah blah: one artist | Tags: , | No Comments »

1958: Born in Melbourne, Australia

His parents were both toymakers: his father carved from wood and his mother made rag dolls.
Mueck spent much of his childhood modeling playthings. He had no formal art training and he never attended art school. He recalls: I spent my whole childhood alone in a room making stuff. […] I’m still mainly doing that….I try to put the ego into the work.
Eventually the family moved to Great Britain when he was a small boy.

His early career was as a model maker and puppeteer for children’s television, including The Muppets and Sesame Street. He also worked for the movie industry, notably Labyrinth, a fantasy film released in 1986 directed by Jim Henson (creator of The Muppet Show) and featuring David Bowie.

Mueck had his own company in London, making photo-realistic props and animatronics for the advertising industry. Although highly detailed, these props were usually designed to be photographed from one specific angle hiding the mess of construction seen from the other side.

At 37, though, Ron Mueck walked away from his lucrative career as a model maker, frustrated by the constrictions of the job: Everything I was doing was geared towards that final flat image, the piece of print. […] Everything was predetermined. I was always telling someone else’s story. I wanted to make something that a photograph wouldn’t do justice to.
He wanted to produce realistic sculptures, which looked perfect from all angles.

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Boy (foot detail), 1999

Mueck’s eventual entry into the contemporary art world was almost accidental. His stepmother is artist Paula Rego. On a family holiday in America, Rego watched, mesmerized, as Mueck created a giant sand sculpture of a dragon for his two young daughters. Later, when she was working on a series of drawings for a group show in a London gallery, she asked him to create a model of Pinocchio. He did a 33-inch-tall (83cm), ultra-realist Pinocchio in silicone.

Paula Rego showed it to famous publicist Charles Saatchi who was impressed and started to collect Mueck’s work. He put Dead Dad in the Sensation show at the Royal Academy in 1997. Dead Dad is a silicone and mixed media sculpture of the naked corpse of Mueck’s father reduced to about two thirds of its natural scale. It is said to be the only work that uses Mueck’s own hair for the finished product.

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Dead Dad, 1996

Then he gained mass appeal with his huge Boy, a 16 feet high (5m) sculpture which was displayed at the Millennium Dome and at the Venice Biennale in 2001. It shows a crouching boy, who seems to be scared.

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Boy, 1999

Ron Mueck has a profound knowledge of anatomy, it allows him to create sculptures that faithfully reproduce human body but play with scale to produce disconcertingly images. He elaborates details to such a point that it causes powerful reactions in the visitor. When larger-than-life-size figures seem threatening, as In Bed, smaller-than-life-size creations such as Spooning Couple evoke confidence and humor.

His sculptures are made of fibreglass and silicone. In Mask II (Mueck’s face on its side) you can see teeth, gums and even a little faux saliva. Every hair, eyebrow or eyelash is fixed in a specifically hole. All the hairs are sanded and painted. The lashes are hand-tapered to a point with a scalpel. He cooks up a resin with a never-seen-the-sun Caucasian flesh color and he delicately paints every blue vein afterwards.

It looks so life-like that visitors want to touch the works. People often quote Madame Tussaud’s famous wax museum or hyper-realistic sculptures of Duane Hanson.

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A Girl being installed at the Brooklyn Museum, 2007